Cet article a originellement été écrit par mon ami Stefan Lefèvre, spécialiste des encens, et adapté pour notre site par mes soins. Je remercie Stefan pour sa participation. Natacha
Des traces écrites de négoce d’encens et de parfums datant de 2250 ans avant J.C. ont été retrouvées en Mésopotamie, chez les Sumériens, puis chez les Hittites dont la civilisation est plus tardive.
L’assyriologue Campbell Thompson a montré que de nombreux noms de plantes nous venaient du sumérien via l’arabe et le grec.
Dans Le Cantique des cantiques l’aspect sensuel de l’olfaction est célébré en un somptueux vertige des sens. Sont cités entre autres : le nard, le safran, le grenadier, la myrrhe, le cyprès, le cannelier, l’oliban, le cèdre, l’aloès, la rose, le lys, la figue, le raisin…
Plus près de notre histoire, les Rois mages, à la naissance de Jésus, offrent à l’enfant-roi de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Hildegard von Bingen mentionne l’usage de l’encens et de la myrrhe dans son ouvrage intitulé «Le Livre des Subtilités des Créatures Divines».
Dans son «Livre des Mérites de la Vie», elle expose sa vision de l’homme total, en nous amenant à considérer l’être humain sous trois aspects fondamentaux : physique/psychique/spirituel, qui lui permettent de retrouver une unité intérieure. Selon elle, les maladies provoquent un dérèglement de l’âme, raison pour laquelle il faut harmoniser et équilibrer l’ensemble.
Chez les Aztèques, l’encens était un support efficace pour l’induction de transes chamaniques lors des divinations en liaison avec l’astrologie.
Il servait aussi à nettoyer le corps énergétique des patients qui se baignaient dans des volutes de fumée de copal ou de tabac.
Pour les rendre purs, le chamane les frottait, les secouait et les brossait avec des bouquets de plantes odoriférantes. Il manipulait le bouquet à la manière d’un hochet. Cette technique, toujours utilisée de nos jours, s’appelle «la limpia», ce qui signifie le nettoyage. Cette technique permet d’accéder à des dimensions plus profondes et de diagnostiquer et détecter les zones d’ombres dans lesquelles se cachent les problèmes et les maladies – la maladie étant perçue comme un déséquilibre entre les corps physique, spirituel et émotionnel de l’individu.
L’encens permettait d’accompagner également l’âme des défunts dans l’au-delà, en chassant les mauvais esprits.
Chez les peuples chamaniques d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud, on distingue plusieurs sortes de praticien chamane, dont voici un aperçu :
- Le curandero : qui soigne les maladies naturelles et surnaturelles. C’est un guérisseur du corps et de l’âme.
- Le brujo : qui a une grande maîtrise sur les forces magiques et est capable de retirer ou de jeter des sorts.
- Le yerbero : qui est un spécialiste des plantes médicinales. Il est guérisseur-herboriste et aide aujourd’hui certains laboratoires dans la fabrication de leurs pommades, par exemple.
- Le huesero : qui est un spécialiste des os et qui, pour soigner, a recours, entre autres, aux cataplasmes.
- La partera : qui est une sage-femme. Elle fait des massages, administre des plantes et prépare des bains de vapeur.
- Le rezandero : qui soigne à l’aide de prières et de paroles magiques.
- Le sanador : qui soigne par imposition des mains en transmettant de l’énergie par des techniques proches du reiki.
Il n’est pas rare, dans les populations de tradition chamanique, que le praticien cumule plusieurs de ces fonctions…
Dans la hutte de sudation maya, le temazcal, les pratiquants se purifiaient avec du copal et se frottaient vigoureusement le corps avec des herbes avant de le début du rituel. La vapeur soignait entre autres, les rhumatismes, les maladies nerveuses, les problèmes de peaux et les soucis circulatoires.
Le temazcal est une représentation symbolique du monde. Il représente la création, le mariage de l’eau et du feu, de l’énergie féminine et masculine.
Les temazcaleros sont ceux qui pratiquent des chants sacrés d’origine aztèque à l’intérieur des huttes de sudation. Certains de ces chants intègrent les quatre éléments présents dans l’homme : la terre, représenté par le corps physique, l’eau, symbolisé par le sang, l’air, figuré par le souffle et le feu, incarné par l’esprit.
Certaines femmes aztèques mettaient au monde leur enfant dans la hutte, la chaleur leur facilitant l’accouchement.
Dans la pharmacopée amérindienne, Les fumigations se faisaient et se font encore aujourd’hui à l’aide de plantes de pouvoirs aux attributs médico-religieux.
Les plantes sont omniprésentes dans leur quotidien. Elles servent pour les maladies et bobos en tous genres (toux, maux de tête, gerçures, soins capillaires…), l’alimentation, le travail artisanal, mais aussi pour les cérémonies et rituels chamaniques (initiation, invocation, divination, quête de vision, hutte de sudation…).
La tradition tibétaine s’appuie également sur une science aigüe en matière d’encens. Celui-ci est fabriqué selon d’anciennes formules dont certaines remontent à plus de 2500 ans.
La médecine tibétaine incorpore de nombreuses plantes médicinales dans ses préparations. On en retrouve des traces en Inde, au Népal, au Bhoutan, en Sibérie et en Mongolie.
Dans ces civilisations de Haute-Asie, l’encens sert :
- Aux offrandes rituelles (hommage au bouddha et aux déités bienfaisantes, requêtes et prières en tous genres)
- Aux méditations (pour faciliter la concentration, la paix et mesurer le temps)
- Aux pratiques médicales (pour apaiser, résoudre des désordres énergétiques et stabiliser le psychisme)
Dans ces civilisations, la fabrication d’encens s’accompagne souvent par la récitation de mantras de guérison. Cette pratique a but d’augmenter le pouvoir intrinsèque des plantes, par le biais de l’énergie du son qui les relie automatiquement à certaines déités, selon le mantra récité.
Il arrive parfois que des minéraux et des éléments provenant d’animaux (poils, bouts de cornes…) soient incorporés à la préparation des encens. Cette technique ancienne proviendrait d’un héritage chamanique appelé le Bön.
Au Japon, le Kôdô, l’art d’apprécier les parfums, est l’un des trois arts traditionnels avec le Sadô et l’Ikebana. Importé par des moines bouddhistes zen au VIème siècle, afin de soutenir l’être humain sur son chemin de vie, il était source de contemplation intérieure, de prise de conscience et de transcendance.
Il devint au cours des siècles de plus en plus raffiné et subtil, jusqu’à séduire les aristrocrates de l’ère Heian. À cette époque on assiste à l’éclosion d’une culture ultra sophistiquée en matière d’encens. On en retrouve des traces dans le «Dit de Genji» de Murasaki Shikibu, dans lequel elle décrit l’univers délicat de la cour impériale de Kyôto. Il était alors monnaie courante de parfumer, avec de l’encens, les soieries, les pavillons, les vêtements et les lettres.
Des concours de fragrances étaient même organisés. Les Japonais utilisaient pour cela des nerikô qui sont de petites boules de parfums pouvant contenir jusqu’à une vingtaine d’ingrédients différents. L’une des plus célèbres compositions se nomme «la recette de K’ouen-Lounen». Certains de ces mélanges étaient même enterrés dans des pots durant trois années afin d’obtenir des nuances de plus en plus prononcées.
Les ingrédients les plus utilisés
L’oliban (huile du Liban) est également appelé encens (du mot insencum signifiant ce qui est brûlé).
L’oliban atténue l’anxiété, est efficace en tant qu’anti-inflammatoire et réveille la conscience et la spiritualité. Il est un très bon purificateur. Il symbolise la pureté, l’élévation, le côté mystique et est lié au soleil.
De nos jours, il est très utilisé en haute parfumerie où il apporte des tonalités citronnées, épicées et résineuses.
On le retrouve chez de grands créateurs comme Guerlain (Shalimar), Yves Saint Laurent (Belle d’opium), Kenzo (Flower), Christian Dior (Fahrenheit Absolute), Chanel (Allure Sensuelle)…
La myrrhe (de l’akkadien murru) est une résine de couleur brun-orangé extraite d’un arbuste épineux qui pousse dans les mêmes régions que l’oliban (Égypte, Éthiopie, Soudan, Somalie, Oman, Yémen).
Comme l’oliban, elle fait partie de la famille des Burséracées. Elle est utilisée pour renforcer le système immunitaire, soulager les problèmes menstruels et circulatoires, calmer les plaies et les contusions, ainsi que dans l’hygiène bucco-dentaire. Elle entre dans la composition de «l’élixir du suédois».
Elle est liée à la guérison, à l’amour, à la sensualité et à l’aspect féminin. Son odeur est chaude, ambrée et aromatique.
La myrrhe est utilisée, souvent en note de fond, pour ajouter une touche orientale dans les parfums. On la retrouve ainsi dans Opium d’Yves St Laurent, Vétiver de Guerlain, Bois d’Argent de Christian Dior, Myrrhe Ardente d’Annick Goutal.
Le papier d’Arménie contient du benjoin, une résine qui a été utilisée tout au long de l’histoire (Égypte, Grèce, Arabie, Inde…). Connu en Europe durant le Moyen Âge en tant que «baume du moine», on l’employait comme désinfectant, expectorant ainsi que pour les blessures et les rhumatismes.
Il calme et apaise l’esprit et participe également au développement spirituel en éloignant les émotions impures. Il stimule également le corps vital.
Le parfum vanillé, résineux et balsamique du benjoin se retrouve dans Benjoin de Prada, Samsara de Guerlain, Absolu de Rochas, Le Baiser Du Dragon de Cartier, Bois des Iles de Chanel.
Le copal, résine de l’arbre de vie, relève du même symbole que le sang, la sève, le sperme et la pluie. Il était présent dans le couronnement des rois mayas, durant l’Ocna (fête de janvier, en l’honneur des dieux de la pluie appelés les Chacs).
Sa fumée génère des interactions avec les divinités et les ancêtres. L’utiliser est une façon d’entretenir et de perpétuer un contact avec eux, une façon de leur rendre hommage.
La sauge était couramment utilisée chez les Cherokees qui l’employaient pour soigner la diarrhée, la digestion, la toux, la grippe…
Chez les Mahunas les racines de sauge aidaient au rétablissement du système hormonal après un accouchement.
Les Hopis y avaient recours pour les désordres nerveux et les chutes de tensions.
Les Cahuillas l’employaient comme shampoing contre les cheveux gras et les pellicules.
Les feuilles fraîches de sauge étaient broyées pour détruire les verrues. Mélangées à du miel on en faisait une tisane pour soulager l’asthme.
Chez les Kawaiisus, les graines servaient à la fabrication d’une pommade destinée à guérir les blessures et les plaies. Elles avaient une fonction antimicrobienne et antiseptique. Elles étaient également employées en cas d’irritations et d’inflammations oculaires.
La sauge est également un puissant purificateur servant à repousser les esprits indésirables, à assainir un lieu et à chasser les sentiments négatifs.
Les amérindiens l’utilisent en petits fagots ou confectionnent avec des bottes qu’ils ligotent. Lorsque la sauge est sèche, ils en allument l’extrémité et la font brûler en diffusant la fumée dans tous les endroits qui en ont besoin.
Dans l’Antiquité, on en brûlait dans la chambre des malades, afin de purifier l’atmosphère, et de donner un regain d’énergie à la personne souffrante, en stimulant sa guérison.
En latin, son nom signifie «celle qui sauve».
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Natacha R. Kimberly
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