Et vous, échangeriez-vous votre place sur terre contre un séjour dans les enfers grecs ?
Les Grecs de l’Antiquité possédaient également un jugement de l’âme des morts et une conception des enfers qui n’a, quant à elle, rien à voir avec la conception judéo-chrétienne. En ce qui concerne les enfers grecs, il s’agirait plutôt d’un monde souterrain, lieu de résidence de tous les défunts sans aucune exception, et ce quels que soient leurs actes, leurs paroles et leurs pensées au cours de leur vie terrestre.
Les enfers grecs sont divisés en plusieurs parties et parcourus par différents fleuves. Ceux-ci ont, entre autres, pour fonction de séparer le monde des morts de celui des vivants. Ces fleuves infernaux sont :
- Le Styx qui confère l’invincibilité et qui entoure le monde souterrain,
- L’Achéron, le fleuve de la douleur, qui empoissonne celui qui aimerait boire de son eau,
- Le Cocyte dont les eaux sont constituées par les larmes des âmes mauvaises et sur les rives duquel attendent les défunts privés de sépulture,
- Le Phlégéthon ou Pyriphlégéthon (le fleuve brûlant de feu) qui, en fait, n’est pas fait d’eau, mais de flammes sulfureuses, et dont le cours entoure la demeure des âmes les plus mauvaises,
- Le Léthé qui est appelé le fleuve de l’oubli et qui coule lentement et sans bruit.
C’est toutefois le Styx, ce fleuve aux eaux noires et aux propriétés magiques, et gardé par Cerbère, un chien à trois têtes, qui a pour mission d’empêcher tout défunt de s’échapper.
Il faut savoir que le Styx est un être féminin. En effet, Styx, l’Océanide, est la fille d’Oceanos et de Téthys, la déesse marine. Elle avait la réputation de rendre invulnérable tous ceux qui pénétraient dans ses eaux. Pour exemple, le héros Achille y avait été plongé par sa mère Thétis, une Nymphe marine, et en était devenu invincible. La seule partie de son corps qui avait échappée aux effets des eaux magiques du Styx était le talon par lequel il avait été maintenu. Attention cependant à ne pas confondre Téthys, la déesse, avec Thétis, la Nymphe.
C’est Zeus, le roi des dieux, le roi de l’Olympe, qui a donné à ce fleuve ses propriétés magiques. Une des autres qualités que conférait Styx était de rendre un serment inviolable. En effet, il était coutume de jurer par le Styx. Ce serment avait une valeur sacrée, et même les dieux ne pouvaient s’y soustraire. Tout serment, non tenu, était puni par un châtiment exemplaire.
Que se passait-il pour les défunts grecs lorsque ceux-ci arrivaient à l’entrée des enfers ? Tout comme les Égyptiens, ils faisaient une traversée en barque afin de rejoindre le royaume d’Hadès, le dieu des morts.
Leur voyage dans l’au-delà était guidé par Charon, le cocher des enfers, un être immortel et effrayant, dont la fonction était de faire en sorte que les morts puissent traverser les marais de l’Achéron, l’un des autres fleuves de ce monde souterrain.
Achéron est le fils de Gaïa, la Terre, et d’Hélios, le Soleil. Il avait malheureusement accepté de donner de ses eaux aux Titans, pour étancher leur soif, lors de la Titanomachie, la guerre entre les Titans et les dieux de l’Olympe. Zeus, furieux de cet acte qu’il considérait comme une trahison, précipita Achéron sous terre, dans le royaume d’Hadès.
En tant que fleuve, l’Achéron, aux exhalaisons pestilentielles, est peu agité, marécageux, sombre et boueux. Tous les défunts devaient néanmoins le traverser s’ils voulaient rejoindre le royaume des morts. Pour ce faire, ils empruntaient la barque de Charon, le passeur, fréquemment surnommé le cocher des enfers. Cet individu, réputé pour être d’une saleté repoussante, les acceptait à son bord à la seule condition qu’ils aient de quoi payer leur passage. C’est la raison pour laquelle une obole était placée dans la bouche du défunt lors des rites funéraires grecs. C’est cette offrande capitale qui allait permettre au mort de régler sa traversée.
Et qu’en était-il des morts qui n’avaient pas reçu d’argent pour payer leur passage ? Ou de ceux qui n’avaient pas reçu de sépulture ? Le pire les attendait. En effet, tous les défunts, dont la montée à bord de la barque de Charon avait été refusée, devaient patienter une centaine d’années sur les rives du Cocyte avant de pouvoir enfin y avoir accès.
Vous devez certainement penser que c’était un véritable soulagement pour les trépassés de pouvoir monter dans l’embarcation du passeur du fleuve des morts ! Malheureusement, ce n’était pas vraiment le cas. Il faut savoir que le fait d’avoir payé leur traversée ne les dispensait nullement de ramer. Eh oui ! Les morts devaient tous se mettre à l’ouvrage pour arriver à destination. Ils avaient pour obligation de ramer pour effectuer la traversée des eaux marécageuses de l’Achéron. La seule tâche qui incombait à Charon était de tenir la barre.
Le personnage du passeur était également connu des Étrusques, civilisation de l’Italie Antique. Son nom, Charun, se retrouvait sur les sarcophages. Lors des batailles, il remplissait les fonctions d’égorgeur et de bourreau des enfers. C’est la raison pour laquelle, les bourreaux qui achevaient les gladiateurs blessés dans les arènes, en écrasant leur tête à l’aide d’un marteau boule ou d’une masse, portaient la plupart du temps le masque de Charon. Ces masques étaient impressionnants. Ils étaient peints d’une couleur bleu-vif et possédaient des oreilles en pointe ainsi qu’une barbe épaisse de couleur noire ou blanche. Dans ces arènes intervenait également un autre personnage déguisé, censé représenté le dieu Mercure. Après que « l’incarnation » de Charon dans l’arène ait achevé le blessé, « l’incarnation de Mercure » avait pour fonction de piquer le mort avec une baguette, qui était en fait un fer chauffé à blanc, pour s’assurer que la victime était bien morte.
Comme vous pouvez le constater, les grecs, contrairement aux Étrusques, ont adouci le personnage de Charon et l’ont transformé en un vieillard barbu, revêche et mélancolique.
Dans le livre VI de l’Énéide, une épopée de Virgile, poète latin né en 70 avant J-C, la représentation de Charon, cet être au nez crochu, aux oreilles pointues et au rictus laissant apparaître une dentition digne de celle d’un fauve, est bien plus proche de celle des Étrusques que de celle des Grecs.
Bref, ce que nous pouvons en dire c’est que le Charun des Étrusques était un être terrifiant alors que le Charon des Grecs serait plutôt classé actuellement dans les individus désagréables.
Revenons maintenant aux défunts grecs ayant traversé l’Achéron. Ceux-ci se retrouvaient devant un tribunal présidé par Minos, Éaque et Rhadamanthe.
- Minos est le fils de Zeus et d’Europe, et était roi de Crète. Il était considéré comme un souverain juste et bon. Dans le monde souterrain, il est en charge des personnes accusées injustement.
- Éaque est le fils de Zeus et de la Nymphe Égine et le grand-père du héros Achille. Réputé pour son sens de la justice, il était devenu l’arbitre des dieux.
- Rhadamanthe est le fils de Zeus et d’Europe. Il a créé, entre autres, la loi du Talion, l’une des lois les plus anciennes qui exige la réciprocité du crime et de la peine. Nous retrouvons la notion de loi du Talion dans l’expression : « œil pour œil, dent pour dent ! ».
Ce sont ces trois juges du tribunal des enfers, Minos, Éaque et Rhadamanthe, qui attribuent, à chaque défunt, selon sa vie terrestre, son lieu de séjour dans les mondes souterrains.
Même si Hadès est le dieu des enfers, ce n’est pas lui qui décide de l’endroit où demeurera l’âme du mort. En effet, la fonction principale de ce dernier, en dehors de celle de régner sur le monde chtonien, est d’empêcher les défunts de s’échapper de leur lieu de résidence. Il est aidé dans sa mission par Cerbère, le chien à trois têtes et aux dents noires et tranchantes. En dehors de ses trois têtes qui selon les auteurs étaient au nombre de 50, pour Hésiode, voire de 100, pour Horace, ce chien terrifiant était censé posséder une queue de dragon et des têtes de serpent sur l’échine.
Il faut savoir que Cerbère était enchaîné à l’entrée des enfers et nourri par les morts qui lui apportaient, pour l’apaiser, des gâteaux au miel. Ces gâteaux étaient posés près des défunts, lors des funérailles, en même que l’obole servant à payer leur passage auprès de Charon.
La légende dit que la plante toxique appelée aconit est née de la bave de Cerbère. L’aconit est une plante dont les sorciers et magiciennes se servaient pour fabriquer leurs potions. Le suc de cette plante était également enduit sur les pointes des flèches et des lances et avait pour but d’empoisonner l’ennemi, lors des batailles. La mort de l’ennemi était le but de cette pratique. En effet, une blessure infligée par une flèche ou une lance pouvait ne pas être fatale, alors que si l’on y ajoutait du suc d’aconit, elle le devenait.
Rejoignons maintenant les morts et leur destination finale. Toutes les régions les accueillant se situent, sans aucune exception, dans le monde souterrain grec qui est divisé comme suit :
- Le Tartare, l’endroit le plus profond des enfers où sont emprisonnés :
- Les Titans, pour avoir participé à la Titanomachie, la guerre contre les Olympiens,
- Les Danaïdes, condamnées à remplir un tonneau sans fin pour avoir assassiné leur mari,
- Tantale qui servit, aux dieux, son fils à dîner pour les éprouver,
- Sisyphe qui fut condamné à rouler éternellement un rocher sur une pente abrupte, pour avoir dévoilé certains des secrets les plus importants des dieux,
- Etc.
Le Tartare est l’endroit où les criminels de grande envergure expient leurs fautes et où coexistent toutes les formes de tortures, qu’elles soient physiques ou psychologiques.
- L’Érèbe, une région d’expiation pour les âmes du commun, après leur décès. C’est aussi le lieu où l’on dit que l’âme de l’être humain se rend pendant son sommeil.
- La Plaine des Asphodèles, un lieu où les morts s’ennuient à mourir, sans mauvais jeu de mots. Ce séjour est destiné à toutes les âmes dont l’incarnation humaine est restée léthargique et amorphe lors de leur séjour sur terre.
- Les Champs Élysées, qui signifient « lieu frappé par la foudre », une région douce et agréable traversée par le fleuve Lethé, où règne une sorte de printemps éternel pour les êtres justes et les héros morts au combat. Un peu plus tardivement, les Champs Élysées sont devenus le séjour des belles âmes avant leur nouvelle incarnation. Si l’être qui y séjournait décidait de quitter les Champs Élysées pour expérimenter une nouvelle vie sur terre, il devait boire l’eau du Léthé, le fleuve de l’oubli, pour effacer de sa mémoire tout souvenir de son passé, bon ou mauvais, avant de pouvoir réintégrer un nouveau corps et recommencer une nouvelle expérience de vie.
- Le Leucé, l’île blanche, nommée également l’île des bienheureux, où ne résident que les héros et les héroïnes.
Comme vous pouvez le constater, les mondes souterrains grecs, nommés également les enfers, ne sont pas partout synonymes de terreur et de souffrance. Tout dépend de la région vers laquelle est envoyé le défunt après son trépas.
Voir Cerbère, Hadès ou l’une des régions des enfers grecs, dans un rêve, une vision ou un voyage chamanique n’annoncent pas forcément le malheur et la douleur. Certains endroits sont agréables et on aimerait bien pouvoir y séjourner un moment.
Le thème de l’oubli, incarné dans l’Antiquité grecque par le fleuve Léthé dont les eaux doivent être bues par une âme lorsque celle-ci décide de prendre une nouvelle incarnation, est un thème que l’on rencontre dans diverses traditions. Il est toutefois très étrange de devoir oublier nos expériences passées et d’expérimenter sans véritable base de référence une nouvelle vie. Nous pourrions mettre cela en parallèle avec le monde onirique, qui est un monde que nous quittons chaque matin au réveil et que la plupart d’entre nous oublient lorsqu’ils ouvrent les yeux sur leur monde de tous les jours.
Qu’en pensez-vous ? Si nous partons du postulat que les vies « autres » existent, aimeriez-vous vous en souvenir, ou pensez-vous qu’il est préférable de boire de l’eau provenant du fleuve Léthé ? Pourquoi cet oubli nous serait-il indispensable ? Essayez de donner un avis qui vous correspond et non celui de votre enseignement religieux ou spirituel. Qu’en pensez-vous réellement ? Que dit votre intuition ?
Pourrions-nous dire que si nous nous souvenions de nos rêves, nous pourrions peut-être enfin avoir accès à cette sphère que le Léthé a effacée ?
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Rêvons et voyageons ensemble !
Natacha R. Kimberly
Bertrand Roulet says
Les cartes de l’enfer grec
Vos articles sur les sujets mythologiques sont extrêmement condensés et nourrissants. Je ne saurais les définir que par cette formule un peu bizarre: ce sont des survols très complets!
Tout le monde connaît la formule selon laquelle « la carte n’est pas le territoire ». Je ne pouvais m’empêcher d’y repenser en lisant votre article sur les enfers grecs, qui nous invite à les visiter avec une précision géographique. Malgré de nombreuses lectures, de nombreuses rêveries, j’étais forcé de constater que certaines contrées m’étaient inconnues. Quant bien même j’aurais mémorisé la totalité de l’article, je sentais que ces régions ignorées le resteraient tant que je ne les auraient pas ressenties, que je ne les aurait pas rêvées. La citation érudite en tant que telle ne peut intéresser que ceux qui ont quelque chose à prouver lors d’un dîner, où qui veulent « gagner des millions » dans un jeu télévisé.
Toutefois, votre carte est bien utile, et bien complète. Elle est une aide précieuse pour se rendre compte de l’arborescence des mythes, que ce soient dans le réseau des généalogies, des situations qui se recoupent, mais aussi dans la superposition des variantes, des générations de dieux qui en créent d’autres. Ces travaux nous rappellent que tous les personnages, tous les épisodes que nous connaissons font partie d’un immense réseau, comme dans une cité de rêve.
Ces rêves, nous devons les revivre pour les appréhender pleinement, c’est-à-dire sous forme d’ images, de sensations, d’émotions, peut-être grâce aux oeuvres d’art, qui les ont incorporés. Ils nous reviennent de la nuit des temps, ils sont portés par l’inconscient collectif…comme nous-mêmes! Ce parallèle entre les mythes et les rêves faisait renaître en moi le désir de me les approprier. Je repensais aux séminaires de Natacha (Renata?) sur le rêve. Nous avons appris à ne pas gaspiller l’énergie des rêves, à les fixer, à les honorer, à ne pas laisser quelqu’un d’autre les réduire par une explication rationnelle qui nierait la richesse d’un vécu. Je crois qu’il en est de même pour les mythes qui ont bercé mon enfance. Une partie de moi craint d’en être dépossédé, et voudrait les protéger de la lumière qui définit, qui étiquette.
Vos articles nous rappellent que les palais des rêves mythiques ont mille portes. Votre érudition ne nous dispense pas de les franchir. Dans mon cas, ils m’encouragent à ne pas tomber dans le défaut inverse des je-sais-tout de salon, à savoir de me complaire dans une rêverie sans fin, cotonneuse et somnolente, qui finirait par projeter en Aphrodite une figure féminine d’une douceur illusoire,esthétique, et non pas ce personnage dont vous montrez les limites, la superficialité.
Lorsque je pense à la plaine des Asphodèles, ce séjour lugubre des âmes errantes qui n’aspirent à rien, les images me viennent à foison. J’imagine un crépuscule cendré, grisâtre, des arbres noueux aux branches basses, sur une succession de petites collines qui se perdent dans l’obscurité. J’entends un murmure de vent triste, comme dans les cheminées en automne. Je vois des silhouettes sombres, encapuchonnées. Je pense à Arwen, la fille elfe (dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien), que son amour pour un mortel condamnerait à un veuvage et une tristesse presque éternelle, errant sans bruit « comme la nuit d’hiver qui tombe doucement ». Ma vision peut s’enrichir de certaines musiques, de certains films. Le mot même d’asphodèle n’est pas sans évoquer des images tristes et gracieuses, d’élégie discrète, suggérée par l’association rare des consonnes avec la syllabe « dèle », qui évoque dans l’oreille du lecteur le son d’une clochette, peut-être l’image nacrée d’une fleur au bout de sa tige. Ces impressions, pourtant immédiates, ne pourraient être traduites sans longues digressions. Le récit finirait par s’embrumer complètement, le chemin inondé de subjectivité s’arrêterait.
Vous montrez des richesses, vous déployez toute une fresque comme un tapis que l’on déroule. A nous d’en faire un bon usage, c’est-à-dire un tapis volant, et non pas une décoration piétinée par le mental ordinaire, qui préférera toujours, quoi qu’on en dise, les petits fours à Apollon. Mieux vaut rejoindre ce qui est extatique que ce qui est intéressant!
Bertrand Roulet says
Le Léthé
A l’issue de votre article sur les enfers grecs, vous nous invitez à mener une réflexion personnelle sur le thème du Léthé, ce fleuve de l’oubli dont il faut boire une gorgée pour entrer dans l’autre monde.
Ce fleuve marque une frontière radicale entre deux états de conscience, c’est-à-dire que nous sentirons d’autres ondes nous traverser, éveillant d’autres perceptions, laissant de côté ce à quoi nous nous identifions. Le décor changera, nos motivations ne seront plus les mêmes.
Ce passage d’une longueur d’onde à une autre, ce changement d’énergie est exprimée dans la légende par une frontière fluide. Mais ce mouvement, peut-être le percevrons-nous de manière tout aussi verticale qu’horizontale, ou même comme une mutation énergétique purement intérieure.
A l’image du serpent, nous changeons plusieurs fois de peau dans notre vie. Avons-nous envie de traîner ces peaux derrière nous? L’écologiste sincère et militant, au moment où il signe une pétition contre une nouvelle horreur commise à l’encontre des animaux par des sadiques en cravate, n’est sûrement plus le petit garçon qui arrachait les ailes des mouches. L’évêque franchissant, dans une solennité rutilante, les marches de la cathédrale, ne se rappelle pas les années pendant lesquelles il ne portait que des couches. Le jour où nous oublions la femme qui nous a tant fait souffrir ne marque pas un effacement de notre être, une soustraction, mais au contraire une élévation vers un état de conscience plus épanoui.
La pesanteur de l’habitude nous fait considérer notre existence actuelle comme la plus vraie, la plus certaine, alors que tous les éléments matériels qui constituent son décor s’évanouiront. Novalis, le poète allemand visionnaire, imaginait au contraire la mort comme un réveil, et la vie comme un rêve bien décevant. Nous ne chercherons pas forcément à recueillir pieusement les souvenirs de nos efforts, de nos déceptions.
Ne craignons donc pas de boire de l’eau du Léthé, et n’hésitons pas à en goûter déjà par anticipation, à moins que nous ne considérions ce côté du fleuve où nous résiderons encore pendant quelques années comme un paradis d’amour, de bonheur et d’épanouissement!